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CharlElie Couture : "Le jour où je décide de quitter New York" - Paris Match

En 2003, à la mort de mon père, j’ai besoin de prendre un nouveau départ dans un milieu où je ne suis pas conditionné par mon passé. Je m’installe à New York avec ma femme, Annie, et mes deux filles, Shaan et Yamée, lycéennes. L’aventure va durer quinze ans.

Tout le monde le sait : vivre à New York coûte cher. Mais à ce point-là... La répartition des richesses y est terriblement inégale : en gros 0,5 % de riches New-Yorkais face à 99,5 % d’habitants qui galèrent. Moi, par exemple, je viens en France donner des concerts pour renflouer les caisses. Et j’ouvre une galerie-atelier dans la 36e, la RE Gallery, qui me permettra d’équilibrer mes comptes. Avant de signer le bail, j’apprends que le propriétaire possède non pas l’immeuble entier mais 99 immeubles dans New York ! Jour après jour, je découvre un esprit aux antipodes de la France. Les Américains sont curieux, positifs, spontanés, je l’observe tous les jours. Qu’il s’agisse de leurs questions prag- matiques ou de leurs requêtes abruptes. « Quel collectionneur- star vous achète ? » « Est-ce que le cadre du tableau est compris dans les 2 000 dollars ? » « Faites-moi les deux tableaux pour le même prix » !... Avec eux, pas de complexes ni de nuances, mais pas de vibrations négatives non plus.Tout est «Wonderful!». Je travaille sept jours sur sept, de 8 heures à 22 heures. Pendant plus de dix ans. J’ai dû répéter mille fois les mêmes explications sur mes œuvres. J’apprends à mettre le bon tableau en vitrine. Celui qui fera entrer six à sept personnes de plus par jour.

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Je me sens soudain cerné par une meute de loups

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Un matin, de retour de France après des concerts, j’ai la mauvaise surprise de trouver un PV dans ma boîte aux lettres. J’ai prêté le stu- dio à trois artistes qui ont mis le bazar. Vacarme, souillures... La fliquette qui a mis la contravention va m’expliquer comment la contester! Et ça a marché ! En revanche, quand une conduite d’eau explose mon plafond et détruit 15 tableaux et des dessins, le propriétaire ne va pas me faire de cadeau. On apprend la résilience à New York. Et une nuit, stupéfaction : Donald Trump est élu. Des idées noires me traversent. Moi qui étais fier d’habiter dans un pays qui semblait contredire les idées reçues, je me sens soudain cerné par une meute de loups, de démons agressifs et fanatiques hantés par le protectionnisme. Dire que son baratin de camelot, de milliardaire hâbleur
a suffi à conquérir des millions de gogos. Je me sens las. Je n’ai plus de voix. La mienne, celle du citoyen américain que je suis devenu, je l’ai donnée à la démocratie mais ça n’a pas suffi.

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C’est décidé, après quinze années merveilleusement riches, je rentre en France. New York me faisait tant rêver. J’y ai trouvé les réponses à mes questions sur l’art, la beauté, le sexe, la famille, la drogue, la religion ou la solitude, sur l’argent et le pouvoir. Mais Trump n’est-il pas l’incarnation des métamorphoses de cette ville qui a viré de bord ? Elle n’est plus celle du « démerde-toi et le ciel t’aidera », elle est celle du mépris matérialiste, de la mise impossible au poker de la réussite. Je quitte la table.

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