LES HABITS DU DIMANCHE - De la bande libertaire de Couderc à la sobriété de France 3, l'émission culte continue de raconter le sport malgré le changement des comportements des téléspectateurs.
Il fut un temps où le sport n'était pas sérieux. Une bande de joyeux lurons se réunissaient le dimanche en fin de journée pour parler de leur passion commune. Ils sont une demi-douzaine, les cheveux déjà bien grisonnants. Ils ont le verbe haut, la phrase provoc facile et le sens du spectacle. Ils s'appellent Robert Chapatte, Roger Couderc, Thierry Roland, Daniel Cazal. Puis Pierre Salviac, Gérard Holtz, Pierre Sled, Lionel Chamoulaud, Patrick Montel. Ils seront remplacés par des petits jeunes : Laurent Luyat, Matthieu Lartot et Cédric Beaudou. «Stade 2» a longtemps représenté le rendez-vous phare du sport. Avec «Téléfoot», deux institutions du monde d'avant.
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Regarder «Stade 2» sur France 2 en fin de dimanche était une fenêtre sur un monde sportif jusqu'alors peu connu. Les compétitions de sport à la télévision se résumaient au Tour de France une fois par an, quelques matchs de football ou trente minutes de Roland-Garros par jour. Quand il crée l'émission en 1975, Robert Chapatte, Monsieur Vélo d'Antenne 2, imagine un programme capable de rassembler la fine fleur du journalisme sportif à la fois expert et convivial, sérieux et rigolard, vieux mais jeune d'esprit. La table ovale de «Stade 2» rassemble des exclus de Mai 68 (Couderc, Roland, Chapatte, Père), mais également toute la famille : du grand-père au petit-fils.
Bizutage, cendrier et bons mots
Ces saltimbanques de la presse osent tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît : ils bizutent les jeunes comme Jean-Paul Ollivier ou Gérard Holtz, ; ils parlent de sport avec des verres de whisky ou des cendriers sur la table ; ils font des blagues ou tentent de piéger en plein direct leurs petits camarades. Ce bistrot PMU audiovisuel ferait frissonner les Sages de l'Arcom. Chaque journaliste a son personnage. « Je suis arrivé dans une sorte de théâtre où tout le monde avait son rôle, expliquait en 2019 au Point , Gérard Holtz, sociétaire puis présentateur de l'émission entre 1985 et 1992 puis de 2005 à 2008. Thierry Roland, c'était le fils adoptif de Robert Chapatte, Roger Couderc, son frère, Daniel Cazal, le comique, Jean Marquet, le râleur, Richard Diot, le chat noir, et Pierre Salviac, le Fouquier-Tinville. Et moi j'étais Scapin, le jeune premier, j'apportais un côté rock'n'roll. »
Les audiences sont au beau fixe. En plus des résultats et des images inédites, «Stade 2» ose les reportages longs et la découverte de nouveaux sports. Au milieu des années 1980, les légendes sont fatiguées. Thierry Roland file sur TF1 en 1984 ; la même année, Roger Couderc décède ; Robert Chapatte passe le flambeau à Gérard Holtz à la présentation. La bande des copains est amputée, mais il reste l'esprit frondeur des débuts grâce à une jeune génération et un engouement de plus en plus accru pour le sport à la télévision.
Parodie des Inconnus
Face aux séries américaines et aux émissions divertissantes de TF1, Stade 2 résiste. Quand l'émission est portée par des événements en direct (Roland-Garros, Tournoi des 6 Nations ou Tour de France), le programme se transforme en «débrief» inventant le genre bien avant L'Équipe ou Canal+. L'institution est telle que Les Inconnus immortalisent «Stade 2» avec Robert Chipote (et son verre de «pastaga») et un reportage hilarant sur un patron de club, Claude Bernard Filoucelli.
En 2000, une nouvelle génération arrive aux manettes. Laurent Luyat amène un nouveau souffle tout en gardant l'esprit d'avant, sans les écarts désormais interdits par «l'audiovisuellement correct». Le chambrage bienveillant est de retour. Les audiences restent hautes. Mais l'équilibre des animateurs est vite remis en cause : chaque directeur des sports impose sa patte. Gérard Holtz revient en grâce puis Lionel Chamoulaud, Céline Géraud et enfin Matthieu Lartot. L'émission devient obsolète : la démocratisation du sport payant et l'overdose des sportifs, visibles partout, affaiblissent les audiences du programme. «Stade 2» change d'horaire, de formule, d'équipe ou de ton, mais rien n'y fait. En septembre 2019, l'émission passe sur France 3 le dimanche à 20h05. Quand il y en a pour 2, il y en a pour 3. Les audiences restent timides (entre 8 et 9 % de parts de marché), mais l'honneur est sauf : une institution médiatique a été sauvée.
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