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Promising Young Woman : critique Lady Vengeance - ÉcranLarge.com

RAGE AND REVENGE

Depuis les années 70, le refrain du film dit de rape and revenge est bien connu : un personnage féminin est violemment agressé, violé et laissé pour mort, puis se relève, et se venge. De La Dernière Maison sur la gauche à Hard Candy, en passant par L'Ange de la vengeance et Irréversible, il y a un autre point commun quasi inévitable dans le genre : un homme derrière la caméra, et le scénario. Est-ce un problème ? Non. Est-ce un problème que ce soit la norme ? Oui.

Promising Young Woman se pose donc comme une nouvelle exception, après notamment Revenge de Coralie Fargeat ou The Nightingale de Jennifer Kent. Et c'est d'autant plus remarquable que c'est le premier film écrit et réalisé par Emerald Fennell, qui avait jusque là évolué entre ombre (showrunneuse de la saison 2 de Killing Eve) et lumière (actrice dans les saisons 3 et 4 de The Crown). C'est en partie grâce à une autre actrice que le film a vu le jour, avec Margot Robbie, productrice via sa boîte LuckyChap Entertainment. Carey Mulligan était la dernière étoile à s'aligner pour lancer la machine.

Autre différence avec les codes du rape and revenge : ici, le viol a déjà eu lieu, et la mort est déjà derrière. C'est la dernière partie, la vengeance, qui occupe toute l'attention. Une vengeance d'abord aveugle et insidieuse, puis frontale et chirurgicale, avec une héroïne bulldozer derrière ses airs de petite chose. Soit la parfaite image d'un premier film (d)étonnant.

photo, Carey MulliganCassie, une amie qui vous veut du bien

 

pop sonde

C'est un film de vengeance, mais sans boucherie. C'est une histoire profondément noire, mais régulièrement drôle. Ça flirte avec la comédie romantique, mais ça finit presque en film d'horreur. À la manière de Cassie, qui piège les pires hommes en endossant le rôle de demoiselle alcoolisée, Emeral Fennell a conçu Promising Young Woman comme un reflet de son époque - trompeur, déformant, coloré.

Des costumes ultra-sexualisées de son héroïne (qui utilise un tuto YouTube pour avoir "une bouche à pipe", avec la réalisatrice dans le rôle de l'influenceuse) jusqu'à l'utilisation décalée de tubes (des reprises de It's Raining Men et Toxic de Britney Spears), Promising Young Woman défile comme un pur produit de pop culture, mais avec le regard de quelqu'un qui la connaît, l'aime, et l'interroge. La caractérisation de Cassie, avec sa longue chevelure blonde, ses bonbons et sa chambre d'éternelle adolescente, invoque tous ces clichés familiers, ici pervertis par la réalisatrice et scénariste.

Promising Young Woman avance sur une corde raide, avec des ruptures de rythme et un sens du décalage qui donne autant envie de rire que de trembler - et les deux sont intentionnels. Emerald Fennell reprend les codes de la comédie romantique (parenthèse musicale sur Paris Hilton, montage mignon et déclaration d'amour irrésistible), puis les atomise. Elle se paye Adam Brody, Alison Brie, Max Greenfield ou encore Christopher Mintz-Plasse dans des petits rôles, mais pour se jouer de leur image associée à des séries ou films populaires. Et jusqu'à la dernière scène, l'effroi le dispute au sourire.

 

photo, Carey Mulligan

The Simple Life

LA BLONDE CONTRE-ATTAQUE

La réalisatrice s'empare avec malice de ces codes pour mettre en scène les rapports femmes-femmes avec une violence sourde. Et si la construction est parfois bancale (l'intro laisse planer un doute sur la réalité du piège de Cassie, mais le mystère est dissipé juste après), il y a une volonté claire et nette de ne pas simplement tracer de ligne facile entre les deux camps. Ce n'est pas un hasard si l'histoire désigne aussi deux femmes comme coupables : la responsabilité est collective, et Promising Young Woman fonce dans le tas.

Le manque de subtilité du scénario va de pair avec son aspect ludique assumé (le découpage en chapitres notamment), qui pourrait malheureusement masquer la finesse de certains partis pris. Car le mode opératoire de Cassie repose sur une idée terriblement simple : la peur doit changer de camp. Pas la violence, la peur. C'est pour cette raison qu'Emerald Finnell insiste autant sur les regards de l'héroïne, qui défie les hommes (dans la rue, devant une boîte de nuit), et également les femmes, si besoin. Pas besoin de frapper, cet aplomb suffit à faire vaciller l'autre.

Dans ces moments-là comme dans tous les autres, Carey Mulligan est particulièrement impressionnante. Actrice discrète à la carrière reluisante (en une décennie, elle a tourné avec les frères Coen, Baz Luhrmann, Oliver Stone, Steve McQueen, Nicolas Winding Refn, Thomas Vinterberg ou encore Dee Rees), elle trouve ici un grand rôle, qui contient tous les autres (éternelle adolescente, femme fatale, héroïne, figure tragique, clown terrifiant). Du début à la fin, elle règne en maître, et semble se réinventer dans chaque scène.

photo, Carey Mulligan

The Neon Demon

 

À l'image de son héroïne, le film est d'autant plus passionnant qu'il ne cesse d'étonner. Promising Young Woman commence dans un mélange de brutalité et fausse légèreté (une trace de ketchup pour se jouer de la violence attendue), avance inexorablement vers une conclusion effroyable, puis rebascule dans un humour qui aurait pu être incongru. Mais Emerald Fennell dirige son récit d'une main de maître, et impose son tempo, jusque dans les excès.

Promising Young Woman multiplie ces moments forts et ces éclairs émotionnels, d'une confrontation sèche dans un bureau d'université à une altercation sur la route, en passant par un pardon inattendu. Pour son premier essai derrière la caméra, la réalisatrice démontre un sens évident de la mise en scène, à tous les niveaux (musique, photographie, découpage, mouvements). C'est parfois dans le détail (Cassie qui marche dans les bois en portant ses talons à la main, pour le réalisme tout simple d'une situation vue mille fois), et toujours avec une grande précision, notamment dès qu'il s'agit de filmer deux personnages en face à face.

Et y a finalement cette scène terrible, où sa caméra s'attarde sur l'horreur d'une situation avec une simplicité et une frontalité sidérantes. Le film souffle le chaud et le froid, l'amour et la violence, le désespoir et la légèreté. Captivant du début à la fin, troublant jusqu'à la dernière image, Promising Young Woman est un premier film de premier ordre.

Affiche française

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